Chassez le naturel, il revient au galop

Ca y est, il est de retour. Après avoir tout fait pour nous faire gober qu’il avait changé, qu’il avait appris, en deux mots, qu’il s’était « présidentialisé », on a vu hier le retour du Zébulon hyperactif à tendance législative qu’est notre candidat-président. Le corps du tueur fou n’est pas encore refroidi, que le voici sur toutes les chaines d’info en direct pour nous annoncer des nouvelles lois qui vont nous sauver des terroristes fous furieux qui veulent nous égorger ou nous tirer comme des lapins, mais surtout, attention, hein, il ne faut pas faire de récupération politique… Prenant un air grave et une voix grave, il nous annonce que le fait d’aller consulter certains sites internet sera désormais un délit puni pénalement, et que ça va entrer en application ces prochains jours.

Ah, du coup, Mémé Lucette, du fin fond de son petit village de Parmonz-Eparvaux, là elle doit être rassurée: il est bien ce petit, se dit-elle, il me protège de ces méchants immigrés-terroristes qu’elle n’a d’ailleurs jamais vu à par sur BFM ou ITélé. Sauf que si ça peut marcher pour Mémé Lucette, qu’on peut manipuler relativement facilement grâce à la peur, pour les gens qui réfléchissent, ça risque à être un peu plus dur, et pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, quand le candidat-du-peuple-contre-le-président-sortant nous dit que ça va entrer en application dans les prochains jours, comment fait-il? Ce qu’il propose là ce sont des lois, qui doivent donc être votées par les deux chambres du parlement. Or le parlement est en vacances pour cause d’élection présidentielle. Donc, pour faire voter une loi, ça va pas être gagné. Ensuite, même si il convoquait le parlement pour une session extraordinaire, il ne faut pas oublier que, sur les deux chambres, il y en a une qui retoquerai  à coup sûr le texte, allongeant par là même le délai de mise en application. Donc, comme d’hab’, il nous prend pour des jambons incapables de réfléchir. Mais tout cela n’est finalement que des problèmes techniques.

Sur le fond de la proposition, comment justifier un tel texte, si ce n’est par une peur et une forte émotion consécutive aux évènements de ces derniers jours? Parce que sur un plan légal ou moral, c’est tout simplement aberrant. En effet, ce n’est pas parce qu’on lit un texte qu’on est forcément d’accord avec ce qu’il dit. La preuve, je vais regarder le site du Figaro tous les jours (ou presque), et pourtant je n’ai toujours pas l’intention de voter pour le candidat-sur-talonnettes. Je multiplie les sources, et je croise les informations, afin de me faire une vision plus juste de ce qui se passe autours de nous, mais ce n’est pas pour ça que j’adhère à tout ce que je lis. Criminaliser la lecture d’un texte, c’est tout juste digne de l’obscurantisme religieux qui a interdit des livres pendant des siècles, livres qui se partageaient sous le manteau, et pour lesquels on pouvait finir sur le bûcher si l’inquisition vous chopait avec. Donc, sa proposition, c’est le retour de l’inquisition, version 2.0 en numérique et haut débit, autrement dit le flicage des idées. Bienvenue en 1984: il fiche déjà nos empreintes, notre ADN, toutes sortes d’informations sur nous, et ceci qu’on soit coupable ou victime ou simplement témoin, et maintenant en prime il voudrait ficher nos pensées…

Enfin, cette instrumentalisation d’un fait divers pour en faire une loi moins de 36 heures plus tard est totalement contraire au rôle que doit avoir un chef de l’état: prendre de la hauteur, un peu de recul, ne pas céder à ses émotions. Mais au fond, est-il est guidé par l’émotion, ou par une visée électoraliste? Il s’agite et fait passer des textes, pensant ainsi masquer son impuissance de fait. Sauf qu’il a usé cette technique jusqu’à la corde, et qu’on ne laisse plus prendre à présent. A nous donc de lui répondre, dans moins d’un mois maintenant, avec notre bulletin de vote.

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