Bataille de meeting, vacuité des idées

J’étais parti en vacances une petite semaine, afin de me reposer le cerveau, de couper un peu tout le ronron médiatique à propos de cette campagne désespérante, et puis aussi pour voir, sur le retour, si avec un œil un peu plus neuf, on y trouvait quelque chose d’intéressant. Et donc hier soir, en rentrant de ma semaine de coupure, que vois-je dans ma petite lucarne magique? La bataille des meetings, la star’ac de la politique, la nouvelle star de la présidentielle, à la seule différence qu’on détermine le gagnant non pas en comptant les SMS des téléspectateurs, mais en estimant la taille du public qui est venu assister aux grand-messes des deux gros candidats.

Mais au delà de la bataille des chiffres, ce qui m’a surtout frappé, c’est la vacuité des discours des candidats. Bon, Hollande avait mis son programme sur la table en début de campagne, et à part le petit détour des 75%, il s’est tenu à ses 60 mesures qu’il avait mis dans son petit livre-programme. Quant à l’autre, il est dans l’improvisation la plus totale, il n’a pas vraiment de programme sauf de ne pas dire qu’il va continuer comme les cinq années précédentes, sa seule stratégie étant d’occuper un maximum l’espace médiatique en espérant que ça incite les gens à voter pour lui. Sauf que l’égalité du temps de parole est venue lui couper l’herbe sous le pied, et que du coup, la vacuité de ses propositions n’en est que plus flagrante.

Alors on voit bien que la stratégie principale des deux gros, c’est de se coller à la culotte, de répondre à un meeting par un autre meeting, mais en plus gros, et surtout de ne pas trop parler des sujets de fond, surtout parce qu’on s’apercevrait que l’orientation économique des deux candidats est fondamentalement la même: l’ultra-libéralisme, qui est censé apporter la liberté et le bonheur dans le monde entier, dixit Milton Friedman. La seule différence entre les deux, c’est que Hollande propose d’adoucir un peu les effets dévastateurs pour les peuples de ce courant de pensée avec quelques mesurettes « sociales », alors que son concurrent lui ne parle que de soutenir les pauvres entreprises dont les actionnaires ne gagnent décidément pas assez, surtout qu’ils font de l’argent en dormant au fond de leur lit, pauvres d’eux…

Et c’est là un des problèmes majeurs de cette campagne. Afin de cacher le fait que les deux grands partis de notre pays sont en fait extrêmement proches l’un de l’autre sur les grandes orientations économiques (en accord d’ailleurs avec Bruxelles et la commission dont le seul rêve est de tout libéraliser le plus vite possible), ils se sont appliqués tout au long de la campagne à faire diversion à coup de halal, de musulmans terroristes et de coût du permis de conduire. Par contre, les plans de rigueur qui ne servent qu’à réduire la voilure des services publics dans tous les domaines, le vidage progressif du maillage des institutions républicaines sur notre territoire, au profit d’un centralisation de ces mêmes services vers les centres urbains, les délocalisations et la désindustrialisation qui sont la conséquence directe d’une ouverture des marchés sans condition à une concurrence déloyale car les entreprises étrangères ne sont pas soumises aux mêmes normes que les nôtres, que ce soit sur la plan social, environnemental, ou de la qualité des produits… de tout cela on en parle pas, alors que c’est pourtant le cœur de nos préoccupations.

Et c’est ce qui explique que tout le monde s’en fout de cette campagne, et que ceux qui s’y intéressent un peu ont plus envie de voter pour Mélenchon (« Avec lui, au moins, ça changera ») ou Marine (« Je sais que c’est une connerie de voter FN, mais je veux qu’ils aient peur, cette bande d’enculés »), ou surtout pour l’abstention (« Rien à foutre, ça ne changera rien, moi dimanche je vais à la pêche »). Les citations viennent tout droit de la rue de ma petite ville de province, et reflètent bien le mépris de plus en plus grand pour cette mascarade politicienne à laquelle nous assistons en ce moment. Plus que cinq jours avant le vote. Ça va être long de tenir jusque là…

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