Le camouflage par clivage

Je suis toujours surpris de voir l’agressivité que le candidat-président déploie quand il s’agit de faire campagne.  Aujourd’hui encore, avec son attaque contre la CFDT des métallos de Florange, il a laissé parler son agressivité et le peu de recul dont il est capable devant une situation où il n’est pas acclamé par une foule en délire. En plus de se foutre de la gueule du monde quand il annonce qu’il a « obtenu » 17 millions d’euros pour Florange (voir l’article du Monde ici pour les détails) alors que 15 millions étaient déjà programmés (voir ici) avant l’agitation zébulonnesque du président-sortant-candidat-contre-le-président-sortant, il accuse les syndicats (et plus particulièrement la CFDT) d’avoir « trahi la confiance des salariés« . Et comment ont-ils trahi cette confiance? Je vous le donne en mille: « Ils sont venus m’insulter et essayer de casser mon siège de campagne. » Et là, tout de suite, on comprend mieux ce qui se passe chez le candidat-sur-talonnettes. Dès qu’il se sens dévalorisé, ou seulement non-admiré comme on le doit à un monarque, il considère qu’il y a une sorte de crime de lèse-majesté, et ne peut pardonner ni même prendre du recul par rapport à cela. Surtout qu’il faut bien voir le comique de la situation: on a bien vu les cinquante syndicalistes de Florange sortir de leur bus, et être aussitôt stoppés par un cordon de CRS, à plus de 100 mètres du QG de campagne du candidat-à-rolex. Alors pour ce qui est de casser son siège de campagne, y’avait encore de la marge. Mais ce qui l’a vraiment dérangé, dans cette histoire, c’est que non seulement ils ont fait beaucoup de bruit, et même à 100 mètres de là, au QG, on a du les entendre, mais surtout que sa mascarade médiatique n’a pas pris, quand on se rend compte deux mois plus tard que rien n’a avancé pour les ouvriers de Florange, et qu’au final cela met en exergue la vacuité de ses postures médiatiques hyper-volontaristes mais fort peu souvent suivies d’effet.

Alors on peut se poser la question de l’utilité d’un tel positionnement tactique vis-à-vis des syndicats. Cette technique de manœuvre politique, basé sur le clivage et la stigmatisation d’une catégorie facilement identifiable de la population, comme par exemple les syndicats, les musulmans (même si ce n’est que d’apparence, souvenez-vous), les jeunes, et j’en passe et des meilleures, a fonctionné en 2007, même si elle était moins appuyée, et contre-balancée par une promesse d’un avenir meilleur basé sur le ‘travailler plus pour gagner plus ». Aujourd’hui, acculé par son bilan, il ne peut plus jouer sur la corde de l’espoir et des promesses, usée par le déluge d’annonce tous azimuts pendant cinq ans et la réalité sociale du pays. Ne lui reste alors que le clivage et la peur pour engranger des voix. Cette vision classique du sarkozysme n’est pas fausse, bien sûr, mais elle occulte un autre aspect: la diversion et le camouflage.

En effet, pendant qu’il attaquait sans vergogne les syndicats, le bruit médiatique généré couvrait la petite musique de l’affaire Bettencourt-De Maistre-Woerth qui commence à s’insinuer dans cette campagne. Et qui emmène avec elle dans son sillage le financement de la campagne de Balladur en 95, qui, il faut se le rappeler, prétend avoir vendu pour plus de 10 millions de francs de T-Shirts avec sa tronche dessus. Crédibilité, quand tu nous tiens… Alors avec ces affaires à tiroir, avec de multiples facettes, intervenants, circuits financiers opaques, rien n’est facilement compréhensible, et encore moins prouvable devant la justice. Mais les soupçons sont là. Et le soupçon, en politique, peut faire très mal. Et voilà donc en réponse à ces affaires le camouflage par clivage. Mais à force de cliver, de faire monter la température dans la marmite, il faut qu’il fasse gaffe, le petit père des peuples gaulois: ça va finir par lui péter à la gueule. Il reste juste à espérer que nous ne soyons pas pris dans le souffle de l’explosion, et pour cela, autant lui couper le gaz le 22 avril.

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