Le « débat » sur la laïcité… laissez-moi mourrir de rire… ou de honte!

On a beaucoup entendu parler du débat sur la laïcité ces dernières semaines, et de plus en plus au fur et a mesure qu’on s’en rapprochait. Originellement, ce devait être un débat sur l’islam en France, mais il s’est bien vite fait renommer après les premières escarmouches médiatiques sur le risque de stigmatisation. Alors donc, on nous annonce un grand débat sur la laïcité en France. Bon OK, le débat est organisé par l’UMP, qui est un parti politique, donc partisan (par définition, hé oui!), donc c’est pas gagné a priori pour un vrai débat ouvert et neutre. En même temps, on ne nous l’a jamais vendu comme étant neutre ou ouvert. Mais quand même, quand on nous annonce les résultats du débat avant le débat, ça donne une drôle d’image du débat! En effet, hier matin (soit plus de huit heures avant le début du débat), j’entends sur France Info que 26 mesures vont être annoncées puis intégrées dans une proposition de résolution qui sera votée par l’assemblée nationale. Et effectivement, le soir, confirmation, c’est donc bien 26 propositions et une résolution qui sont sorties comme par miracle de ce débat. Alors soit les journalistes ont un pouvoir médiumnique de divination paranormale, soit il y a quelque chose de pas clair dans ce débat. Comme je suis naturellement peu enclin à accorder une quelconque crédibilité à la divination paranormale, j’aurai plutôt tendance à dire qu’il y a quelque chose de pas clair dans ce débat.

Pour commencer, ce qui n’est pas clair, c’est le mot débat, qui, si on s’en réfère au dictionnaire (en l’occurrence le Larousse), signifie une discussion, souvent organisée autours d’un thème. Donc pour le thème, c’est a priori plutôt clair, c’est la laïcité. J’y reviendrai plus tard. Mais pour le côté discussion, échange d’idées (ce qui va généralement de pair avec le débat), ben là, du coup, ça colle vachement moins bien. En effet, comment prévoir à l’avance les idées qui vont être échangées, et ce qui va finalement ressortir du débat? C’est facile: organiser un pseudo-débat, qui sera surtout l’occasion de générer du bruit médiatique (comme le disent beaucoup de publicitaires: il n’y a pas de mauvaise publicité, corolaire: tout bruit médiatique est bon à prendre), et faire un bel amalgame entre laïcité et « protection des franchouillards contre les musulmans ». Parce que c’est ça, le vrai mobile de ce débat: montrer au peuple (enfin, surtout au peuple électeur qui est allé se fourvoyer en votant FN) qu’on le « protège » contre la progression de l’islam en France. C’est d’ailleurs ce qui transparait en filigrane dans les propos de notre tout nouveau ministre de l’intérieur, Claude Guéant, qui disait il y a deux jours: « Cet accroissement du nombre de fidèles [à propos des musulmans, pas d’autres religions, ndlr] et un certain nombre de comportements posent problème. » Hé ben voilà, tout est dit: il y a trop de musulmans en France, ils sont trop visibles, et en plus ils abusent parce qu’ils prient dans la rue. Comment peut on croire une demi-seconde que ce genre d’attitude et de propos vont faire revenir des électeurs qui ont voté FN vers l’UMP? Tout au contraire, en attisant les antagonismes inhérents à des pratiques religieuses variées, en stigmatisant telle ou telle partie de la population, on ne fait que pousser les gens vers les extrêmes.

Mais le plus grave dans tout ça, c’est qu’on va faire voter un texte à l’assemblée nationale qui va reprendre ce qui a été dit lors de cette réunion (oui, je préfère éviter le terme de débat). On parle à tord et à travers de laïcité, et on s’en sert comme d’une arme contre une religion particulière. Le problème dans tout ça, c’est qu’on oublie la première religion de France: l’athéisme. Et oui, contrairement à ce qu’on croit, la religion catholique (les catholiques pratiquants) n’arrive qu’en deuxième derrière les athées. Et les athées, eux, sont complètement ignorés. On parle de religion, on débat, on tourne la laïcité en ridicule, mais on oublie ceux qui ont choisi de vivre leur vie sans pratiquer de religion, quelle qu’elle soit. Le principe premier de la laïcité, c’est de dire que la religion et la pratique religieuse sont du domaine privé, et qu’elle sont soumises au lois de la république. Ce n’est pas la (ou les) religion qui doit dicter sa loi à l’état, mais l’inverse. Or nous sommes exactement dans le processus inverse. C’est la religion qui fait le débat, c’est la religion qui s’impose, que ce soit dans les institutions publiques ou dans les entreprises. C’est d’ailleurs un problème qui se pose principalement avec deux religions, le christianisme et l’islam, qui sont les deux religions les plus prosélytes qui existent. En effet, ce caractère prosélyte est fondamentalement incompatible avec la laïcité, qui veut que les religions restes discrètes et du domaine privé.

Alors c’est vrai que ces problèmes sont éminemment épineux et complexes, et qu’il n’existe pas de solution miracle. Cependant, ce dont on peut être sûrs, c’est que le fait de stigmatiser une religion particulière sous couvert de laïcité n’est en aucun cas une solution.

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